Euripide

Auteur dramatique grec, le troisième et dernier grand poète tragique avec Eschyle dont il est l'héritier et Sophocle, dont il est le rival. Son théâtre, boudé par le public athénien, a exercé une très grande influence sur la création dramatique dans son ensemble. Elle est notamment sensible chez Corneille et Racine.
Probablement né à Salamine, l'année de la grande bataille navale opposant Grecs et Perses, il reçut, malgré son origine modeste, l'enseignement des sophistes, Protagoras, Anaxagore, et celui de Socrate. En 454 av. J.-C., il présenta sa première pièce, les Péliades, au concours tragique, mais il lui fallut attendre 442 av. J.-C. pour remporter le premier prix, distinction qui lui sera attribuée à quatre autres reprises. Dans la seconde moitié de sa vie, il quitta Athènes pour s'installer en Macédoine. Discrédité par Aristophane dans les Grenouilles au profit d'Eschyle, Euripide fut longtemps incompris de ses contemporains, que déroutaient l'originalité, l'esprit «!révolutionnaire!» de ses tragédies, irrespectueuses des dieux, des valeurs morales traditionnelles, et des règles du genre.

 

Nouvelle conception de la tragédie

Comme tous les dramaturges grecs, Euripide puise sa matière dans les mythes. Il ressuscite Thésée, égée, met en scène Bellérophon ou Phaéthon. Mais il les renouvelle en en modifiant le sens (le premier, il fait de Médée la meurtrière de ses enfants), en changeant le statut social des protagonistes (électre, qui a les vertus d'une petite bourgeoise, est mariée à un pauvre laboureur!; ses rois sont vêtus de haillons), et en humanisant le héros mythique (Ion balaie le parvis du temple d'Apollon!; Ulysse devient un politicien bavard) : ses héros ne se heurtent plus aux dieux ou à la cité, mais, confrontés à l'amour, à la mort et à la guerre, sont en proie au doute, à leurs propres contradictions, à leurs revirements irrationnels. Oeuvre du doute, le théâtre d'Euripide montre pour la première fois le conflit du poète avec lui-même. C'est aussi celui qui montre le mieux la puissance de l'irrationnel. Aristophane reprochait à Euripide de porter à la scène les passions coupables, le vice, l'adultère : or c'est la peinture des égarements du cœur qui rend son théâtre plus proche de nous. Enfin, Aristote voyait en Euripide «!le plus tragique des poètes!» et Racine disait qu'«!il savait merveilleusement exciter la compassion et la terreur qui sont les véritables effets de la tragédie!» : des enfants innocents sont massacrés parce que leur père est coupable (les fils de Jason dans Médée), parce qu'il s'est montré héroïque (Astyannax dans les Troyennes) ou parce qu'il est la victime des dieux (les fils d'Héraclès dans Héraclès furieux).

 

Structure des pièces

Euripide renouvelle la technique dramatique. Au cours du prologue, il fait dévoiler par un dieu ou un personnage tout le récit, voire le dénouement de la pièce (Alceste, Hippolyte, Hécube, Ion). Il réduit le rôle du chœur, en développant à côté ou à la place de celui-ci des échanges lyriques entre les personnages. Aimant les coups de théâtre, il dépêche, contre toute attente, un deus ex machina au secours de ses personnages en péril ou du spectateur perdu dans une intrigue inextricable. Avec une absolue liberté, il alterne les tons et les styles, la prose et le lyrisme, le sordide et le merveilleux, oppose la pureté des uns au cynisme des autres. Insouciant de la composition, il insère des analyses, des débats philosophiques, des réflexions visant des vérités générales, le bonheur, le suicide, les droits de la femme, l'égalité des sexes, l'art de la persuasion, l'intolérance, etc. Enfin, délaissant parfois l'action proprement dite, il accumule les péripéties, aimant à transformer ses scènes en «!choses vues!» ou en tableaux vivants.
Ce qu'il reste de l'œuvre d'Euripide aujourd'hui
Des quatre-vingt-douze pièces attribuées à Euripide, dix-sept tragédies et un drame satirique, le Cyclope, nous sont parvenus. Sept tragédies peuvent être datées avec certitude : Alceste (438 av. J.-C.), Médée (431), Hippolyte (428), les Troyennes (415), Hélène (412) et Oreste (408). Iphigénie à Aulis et les Bacchantes furent toutes deux représentées à titre posthume en 405. L'ordre chronologique des autres pièces serait le suivant : les Héraclides (430-428), Andromaque (425), Hécube (424), les Suppliantes (423), Ion (418-414), électre (417-415), Héraclès furieux (417-415), Iphigénie en Tauride (413), les Phéniciennes (412-408).